Autres mondes
Le poète
Heureux celui qui traque la rime
Roi des ex-moins que rien
Prophète du mont Badin

Le cri a retenti
Quoi, le génie l'a repris ?
De sa plume a encore jailli
la plus belle poésie

Mais ce soir là, à Carthage
le ciel obscurci par de sombres nuages
laissait pressentir de tristes présages.
Le peuple ayant consulté les sages
Chacun se retrancha derrière sa travée.
Mais quelques passants attardés
dans les rues mals pavées
longèrent les murs, le visage caché.

Quand le cri jaillit
déchirant le silence de la nuit
chacun tressaillit.
Le cri prit une dimension inconnue
puissant, rauque et caverneux.
Il s'étira, monta jusqu'aux nues
en un hurlement de rapace de nuit
que l'on égorge lentement
puis s'éteignit doucement
pour mourir en soupirs douloureux.

Le poète cria à la trahison.
«Gardes ! torturez les otages
puis remettez les en prison !
Ah ! quel choc pour mon age
pendant que je taquine la muse,
mes ennemis s'en amuse !
Ce soir ça va être le carnage.
J'ai décidé de raser Carthage.»
«Oh, doux poéte, est-il raisonnable
de tuer tous ces misérables ?»

«Comment ? Mais ils sont tous coupables !
Mais moi, j'étais trop affable.
Aujourd'hui, j'ai tout vu.
Quoi, conseiller, tu n'aimes pas l'imprévu ?
Montre un peu plus de passion,
sinon tu feras le repas des lions !»

Carthage fut prise le lendemain.
Les vilains virent de près leur destin
car le poète les tortura de sa propre main.
Le conseiller qui avait essayé de trahir
fut fait prisonnier avant qu'il ne puisse s'enfuir.

«Gardes, amenez moi le conseiller,
pour qu'il puisse apprécier
à juste titre, mon imagination créatrice
en subissant d'autres supplices.»

Le conseiller mourut le lendemain.